Maladies inflammatoires
chroniques et COVID-19,
le pronostic est-il plus mauvais ?
Chronic inflammatory
diseases and COVID-19,
is the prognosis worse?
N.Ait Said, A.Mammeri, M.Lebdjiri , S.Grine, M.Ammi,
O.Hocine, F.Hamrour,
D.Tagzout
,M.Boucherit, R.Sahnoune,
I.Khedairia,L.Tarhini, B.Kletin, A.Diah, Belhimer, N.Abdelghafour, K.Elfatemi, R.Beddai, S.Belkadi,
A.Tebaibia.
Service de médecine interne, EPH ELBIAR
Email :
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
Les maladies inflammatoires chroniques (MIC) sont classiquement associées à un risque accru d’infection, avec des évolutions parfois compliquées comme rapporté lors de la grippe saisonnière. Néanmoins, elles n’ont jusqu’à présent pas été rapportées comme facteurs de mauvais pronostic dans le cadre de la COVID-19.
OBJECTIF
Décrire le profil clinique et évolutif des patients infectés par le SARS COV2 et porteurs de MIC.
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Étude prospective monocentrique sur six mois (Avril-septembre 2020) ayant inclus 1008 malades infectés par la COVID-19. Le diagnostic était retenu sur des critères immunologiques et/ou radiologiques. Un questionnaire préétabli a recueilli les antécédents des patients, les données de l’examen clinique ainsi que les paramètres paracliniques.
RÉSULTATS
Nous avons recensé 19 patients déjà suivis pour MIC (1,8%), 15 femmes et 4 hommes, ayant un âge moyen est de 52±13 ans et une fréquence élevée de comorbidités : HTA (36%), diabète (10%), maladie respiratoires chroniques (5%) et cancers (5%). Une polyarthrite rhumatoïde était connue chez 4 patients, une sarcoïdose chez 3 patients, de même pour les maladies inflammatoires de l’intestin et les spondylarthrites. Nous avons recensé aussi 04 cas de connectivites et deux cas de vascularite. Tous nos malades ont bénéficié d’une TDM thoracique qui a objectivé une atteinte minime à modérée dans 88% des cas. La symptomatologie clinique était dominée par la toux (63%), l’asthénie (57%), les diarrhées (52%), les douleurs abdominales (31%), les céphalées (31%) et les myalgies (26%). Une anosmie était retrouvée chez le tiers de nos patients, de même pour la dyspnée associée à des douleurs thoraciques. Un syndrome inflammatoire était présent dans 42% des cas, tandis que la PCR était positive dans 68% des cas. Nous avons arrêté les traitements immunosuppresseurs et biologiques, et prescrit de l’Azithromycine chez tous les patients, associée à l’hydroxychloroquine dans 70% des cas. Le recours à la corticothérapie et à l’oxygénation ont été enregistré chez 20% et 15% des patients respectivement, entrainant une évolution favorable chez tous les patients sans aucun transfert en réanimation.
CONCLUSION
Nos résultats ont montré que les personnes atteintes de MIC ne sont pas particulièrement plus exposées à l’infection Covid, ni à une évolution plus sévère de cette infection.
MOTS CLÉS
Maladies inflammatoires chroniques, pandémie COVID-19
ABSTRACT
INTRODUCTION
Chronic inflammatory diseases (CID) are classically associated with an
increased risk of infection, sometimes with complicated developments as
reported in seasonal influenza. However, they have so far not been reported
as a poor prognosis factor in COVID-19.
Aim: to describe the clinical profile and the evolution of patients infected with
SARS COV2 and carriers of CID.
Method: six-month single-center prospective study (April-September 2020)
including 1008 patients infected with COVID-19. The diagnosis was made on
the basis of immunological and / or radiological criteria. A pre-established
questionnaire collected patient history, clinical examination data as well as
paraclinical parameters
Results: we identified 19 patients already followed for MIC (1.8%), 15 women
and 4 men, with an average age of 52 ± 13 years and a high frequency of
comorbidities: hypertension (36%), diabetes (10 %), chronic respiratory
disease (5%) and cancers (5%). Rheumatoid arthritis was known in 4 patients,
sarcoidosis in 3 patients, the same for inflammatory bowel disease and
spondyloarthritis. We also identified 04 cases of connectivitis and two cases of
vasculitis. All of our patients underwent a thoracic CT which revealed minimal
to moderate impairment in 88% of cases. Clinical symptoms were dominated
by cough (63%), asthenia (57%), diarrhea (52%), abdominal pain (31%),
headache (31%) and myalgia (26%). Anosmia was found in a third of our
patients, as was dyspnea associated with chest pain. Inflammatory syndrome
was present in 42% of cases, while PCR was positive in 68% of cases. We
stopped immunosuppressive and biological treatments, and prescribed
Azithromycin in all patients, combined with hydroxychloroquine in 70% of
cases. The use of corticosteroid therapy and oxygenation were recorded in
20% and 15% of patients respectively, leading to a favorable outcome in all
patients without any transfer to intensive care.
Conclusion: Our results showed that people with MIC are not particularly
more exposed to Covid infection, or to a more severe course of this infection.
KEY WORDS
Autoimmune diseases, COVID-19 outbreak
I. INTRODUCTION
L’infection COVID-19, associée à l’émergence du nouveau coronavirus le SARS-CoV2, s’est rapidement propagée à travers le monde, devenant une urgence internationale de santé publique. L’évolution constante de cette pandémie soulève de nombreuses questions dont la protection et la prise en charge des personnes considérées à risque. De nombreuses études ont permis de définir certains facteurs de risque associés aux atteintes sévères tels l’âge, les maladies cardiovasculaires, les maladies respiratoires, le diabète et l’hypertension artérielle, tandis que les données concernant les MIC restent encore limitées1, 2,3. Le but de notre travail est de décrire le profil clinique et évolutif des patients suivis pour MIC et infectés par le SARS COV2.
II. MATÉRIEL ET MÉTHODE
C’est une étude prospective monocentrique sur six mois (Avril-septembre
2020) ayant inclus 1008 malades infectés par la COVID-19. Le diagnostic était
retenu sur des critères immunologiques et/ou radiologiques. Nous avons
individualisé le sous-groupe des patients suivis pour MIC et avons établi un
questionnaire qui a recueilli les antécédents des patients, les données de
l’examen clinique, les paramètres paracliniques ainsi que les modalités
thérapeutiques et le mode évolutif.
Des prélèvements nasopharyngés étaient prélevés à l'admission au niveau du
service et la mise en évidence du matériel génomique du coronavirus était
réalisée au niveau de l’institut Pasteur d’Alger par la PCR en temps réel
(RT-PCR). Un bilan biologique comportant : une numération formule sanguine
(NFS), une CRP (C réactive protein), une vitesse de sédimentation (VS),
une créatininémie, un ionogramme et un bilan hépatique, était systématiquement
demandé. La TDM thoracique sans injection de produit de contraste, en
présence de signe d’appel respiratoire, était l’examen clé du diagnostic de
l’infection COVID. les atteintes radiologiques ont été classées en minime
(atteinte < 10%), légère (atteinte de 10-25%), modérée (atteinte de 25-50%),
sévère (atteinte de 50-70%), et critique (>70%) .
III. RÉSULTATS
Caractéristiques de la population
Nous avons identifié 19 patients déjà suivis pour MIC (1,8%), 15 femmes et 4
hommes, ayant un âge moyen est de 52±13 ans et une fréquence élevée de
comorbidités : HTA (36%), diabète (10%), maladies respiratoires chroniques
(5%) et cancers (5 %). Une polyarthrite rhumatoïde était connue chez 4
patients (dont deux sous méthotrexate, une patiente sous corticoïdes seuls et
une autre sous biothérapie), une sarcoïdose chez 3 patients tous sous
corticoïdes ; trois patients étaient suivis pour une maladie inflammatoire de
l’intestin (MICI) dont deux sous azathioprine, et trois autres pour une spondylarthrite,
sous anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Nous avons
recensé aussi 04 cas de connectivites dont un lupus systémique et un
syndrome de Sjögren, tous deux sous hydroxychloroquine, et deux cas de
vascularites (maladie de takayasu et maladie de Horton) sous corticoïdes et
méthotrexate. Tous nos malades étaient en rémission. Leurs caractéristiques
sont détaillées dans le tableau 1
PROFIL CLINIQUE, BIOLOGIQUE ET RADIOLOGIQUE DES PATIENTS
La symptomatologie clinique était dominée par la toux (63%), l’asthénie
(57%), les diarrhées (52%), les douleurs abdominales (31%), les céphalées
(31%), les myalgies et la fièvre (26%). Une anosmie était retrouvée chez le tiers
de nos patients, de même pour la dyspnée associée à des douleurs
thoraciques. Un syndrome inflammatoire était présent dans 42% des cas. La
PCR était positive dans 68% des cas tandis que la TDM thoracique a objectivé
une atteinte minime à modérée dans 88% des cas. Toutes les données sont
résumées dans le tableau 2

PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
Nous avons arrêté les traitements immunosuppresseurs et biologiques et
prescrit de l’azithromycine chez tous les patients, associée à l’hydroxychloroquine
dans 70% des cas. Près d’un tiers de nos patients avaient reçu une
céphalosporine de troisième génération. Tous nos patients avaient bénéficié
d’une héparinothérapie à dose préventive associée à une vitaminothérapie D
et C. Le recours à la corticothérapie et à l’oxygénation ont été enregistrés chez
04 et 03 patients respectivement, un seul parmi ces patients était traité par le
méthotrexate. L’évolution était favorable chez tous les patients sans aucun
décès ni transfert en réanimation. Les modalités de prise en charge sont
résumées dans le tableau 3.


IV. DISCUSSION
Nos résultats ont montré que les personnes atteintes de MIC ne sont pas
particulièrement plus exposées à l’infection Covid, moins de deux pour cent
de nos patients infectés. La majorité de nos patients ont présenté une forme
modérée de l’infection Covid (70% des cas) avec une évolution favorable dans
tous les cas indépendamment du type de la maladie sous-jacente et du
traitement prescrit antérieurement pour maintenir les malades en rémission.
Une étude française multicentrique4 a inclus 694 patients dans l’objectif de
définir la fréquence et les facteurs prédictifs de formes sévères et de décès de
la Covid chez les personnes atteintes de MIC ; les auteurs ont conclu que seuls
12% des patients avaient développé une forme sévère et que l’âge et les
co-morbidités classiques (obésité, diabète, HTA…) avaient un impact
important dans le développement de ces formes sévères. Ils avaient précisé
aussi l’effet de certains immunosuppresseurs et traitement biologique sur le
pronostic de l’infection Covid. Le Méthotrexate, les AntiTNF et les anti-IL6 ne
semblaient pas être pourvoyeurs de formes sévères à la différence du
Mycophénolate Mofetil (MMF) et du Rituximab. La mortalité était plus élevée
chez les patients atteints de MIC mais de façon non significative.
Une autre étude américaine5 avait inclus 4 patients suivis pour MIC : un lupus
systémique sous Hydroxychloroquine, une polyarthrite rhumatoïde sous
Methotrexate et Etanarcept, une spondylarthropathie sous Secukinumab et
une granulomatose avec polyangéite sous Rituximab. Deux patients avaient
présenté une forme modérée de la Covid alors que les deux autres qui étaient
sous biothérapie avaient développé des formes sévères nécessitant une
ventilation mécanique. Les auteurs ont suggéré que les agents immunosuppresseurs
et biologiques affecteraient différemment l’évolution de l’infection
COVID, le Rituximab et le Secukinumab exposeraient à des formes sévères à la
différence de l’Hydroxychloroquine et des antiTNF. Nous ne pouvons pas
comparer nos résultats à ces données vu la faible prévalence de la biothérapie
(5%).
Alexis Mathian et al 6 ont aussi observé durant l’année dernière l’évolution de
dix-sept patients lupiques sous Hydroxychloroquine et infectés par le SARS
CoV2 ; 14 patients ont été hospitalisés dont 7 en unité de soins intensifs et
deux décès ont été enregistrés. Selon les auteurs, l’Hydroxychloroquine n’a
pas pu protéger les patients ni de la forme commune de la Covid ni de sa
forme sévère.
Un registre international de la Global Rheumatology Alliance7 a été créé dés
au début de la pandémie dans le but de recenser les cas de MIC infectés par le
SRAS COV2 et de déterminer les facteurs prédictifs de décès chez ces patients.
En effet, 3729 cas étaient déclarés au 1 juillet 2020 et 390 décès (10.5%) ont été
enregistrés, liés principalement à des facteurs généraux déjà connus (âge avancé,
sexe masculin et comorbidités spécifiques) et à des facteurs
spécifiques à la maladie (activité de la maladie et médicaments spécifiques).
Les auteurs ont souligné l'importance d'un contrôle adéquat de la maladie
inflammatoire et de l’utilisation prudente de certains traitements
biologiques, notamment le Rituximab.
Quant aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), plusieurs
résultats d’etudes8 semblent confirmer que les patients recevant des
immunomodulateurs, des agents biologiques ou des inhibiteurs de JAK,
malgré leur état immunodéprimé, n'ont pas un risque accru de contracter une
infection par le SRAS-CoV-2 ou de développer une forme grave de la maladie.
Plusieurs autres études ont été menées à travers le monde, les résultats sont
résumés dans le tableau 4

V. CONCLUSION
Nos résultats n’ont pas démonté une vulnérabilité supérieure des patients atteints de MIC pour l’infection Covid-19, ce qui rejoint les résultats des différentes études réalisées à travers le monde ; ces dernières n’ont pas mis en évidence un sur risque d’infection pour ces personnes, mais elles ont souligné le rôle non négligeable des facteurs de risque classiques (cardio métaboliques) et de certains traitements biologiques dans la survenue de formes sévères. D’autres travaux semblent nécessaires pour aboutir à des résultats plus précis permettant d’élaborer des directives claires de la prise en charge de ces patients potentiellement vulnérables.
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